
Par Yoann pour le Média en 4-4-2, le 6 décembre 2025
Paris officialise un tournant aussi majeur que glaçant. Par un décret publié en catimini au Journal officiel du 1er novembre, le pouvoir macronien autorise désormais le recrutement de sociétés militaires privées pour "assister un pays tiers en situation de conflit armé". Sous l'intitulé technocratique de "décret n° 2025-1030 relatif aux opérateurs de référence", se cache une réalité crue : la France institutionnalise le mercenariat à sa botte.
Un habillage juridique pour une vieille pratique
La manœuvre n'est pas une innovation, mais une régularisation. Depuis des années, des sociétés comme GEOS ou Amarante opèrent dans l'ombre des armées, sécurisant des ambassades ou formant des milices locales. L'exécutif, englué dans des engagements coûteux et une armée exsangue, entend désormais cadrer et amplifier ces pratiques. L'article 1er du texte invoque sans rire la préservation des "capacités opérationnelles" françaises, traduction bureaucratique d'une ambition impériale à budget contraint.
Le "label qualité" de la guerre sous-traitée
Le cœur du dispositif réside dans la création d'un statut d'"opérateur de référence". L'État pourra ainsi gratifier des entreprises - de préférence européennes - d'un marché quasi exclusif jusqu'à dix ans, court-circuitant toute mise en concurrence sérieuse. Ces sociétés bénéficieront d'un droit spécial à intervenir pour le compte de la République. Les missions promises ? Formation de troupes étrangères, logistique en zone de guerre, maintenance d'armements exportés. Le décret pousse la schizophrénie jusqu'à préciser que ces activités doivent rester "non combattantes", comme si la frontière tenait dans les zones de conflit qu'il vise.
L'Ukraine, laboratoire de la privatisation armée
Les cibles sont transparentes. L'assistance à un État "en situation de conflit armé" vise prioritairement Kiev, offrant une échappatoire à l'envoi officiel de troupes. On pourra désormais y dépêcher des instructeurs "privés" ou des techniciens pour entretenir les canons Caesar. Une manière habile de durcir l'engagement sans en assumer le coût politique. Moscou, qui dénonce déjà des "mercenaires", y trouvera une confirmation pratique. Les garde-fous évoqués - respect du droit international, supervision théorique du ministère - font pâle figure face aux dérives notoires du secteur, des exactions de Blackwater aux scandales africains.
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Les risques d'une stratégie de l'ombre
Cette externalisation comporte des périls abyssaux. Elle opacifie la responsabilité étatique, brouille les chaînes de commandement et introduit des acteurs motivés par le profit dans l'équation guerrière. Que se passera-t-il au premier mort civil, à la première exaction commise par un "opérateur de référence" ? L'État pourra-t-il vraiment contrôler ces forces qu'il aura lui-même mandatées dans l'ombre ? Le décret offre un alibi en or à l'exécutif : agir sans être vu, intervenir sans s'engager, faire la guerre sans la déclarer.
La morale en solde
Le décret 2025-1030 ne marque pas une innovation, mais une capitulation. Celle d'un État qui renonce à incarner le monopole de la violence légitime au profit d'un partenariat trouble avec le secteur privé. Dans la startup nation de Macron, la realpolitik atteint ce stade : la guerre devient une prestation de service, la souveraineté militaire un contrat à durée déterminée. Reste à voir quel prix la France sera prête à payer, en crédibilité comme en vies humaines, pour cette "influence" désormais aux mains de mercenaires estampillés.